La culture du palmier à huile s’est répandue de manière considérable de par le monde. L’Indonésie et la Malaisie constituent l’épicentre de ce développement. Dans ces deux pays, les nouvelles plantations ont causé la perte de 3,7 millions d’hectares de forêt au cours des 20 dernières années. La demande en huile de palme reste élevée et il semblerait que, désormais, le boom de l’huile de palme puisse se répandre en Afrique. En fait, les premières plantations de palmiers à huile ont été installées il y a 100 ans en République démocratique du Congo (RDC). En 1958, 147 000 hectares de plantations de palmiers à huile ont été plantés en RDC mais plusieurs dizaines d’années de troubles politiques et de mauvaise gestion ont mené à l’abandon de la plupart des plantations. Les choses sont désormais en train de changer : en 2009, 100 000 hectares de plantations ont été acquis pour être remis en état et un certain nombre de sociétés ont manifesté leur intérêt d’investir dans le secteur de l’huile de palme en RDC. Afin de mieux identifier les potentielles concessions entre davantage d’expansion des plantations de palmiers à huile, la conservation de la forêt et la planification de l’aménagement du territoire en RDC, nous avons évalué le potentiel biophysique de la culture du palmier à huile.
Photo : Plantation de palmiers à huile, Cameroun (Bottrill/Moabi) Le palmier à huile pousse dans des conditions chaudes et humides. La température doit se situer entre 24 et 28°C et la température moyenne du mois le plus froid de l’année ne doit pas être inférieure à 15°C. Cela limite la culture du palmier à huile aux zones tropicales et sous-tropicales. Le palmier à huile a besoin de précipitations aussi bien abondantes que régulières : entre 2000 et 2500 mm de précipitations par an avec un minimum de 100 mm par mois dans l’idéal. Les conditions pédologiques optimales sont des terres riches en argile ou des terres contenant beaucoup de limon ou de silt. Toutefois, un large éventail de sols tropicaux sont adaptés au palmier à huile, y compris certains sols qui ne pourraient pas être utilisées pour d’autres cultures. D’autre part, les contraintes associées aux sols peuvent souvent être surmontées grâce à une gestion adéquate. Enfin, les zones plates sont mieux adaptées dans la mesure où le faible ancrage des plantes, le ruissellement des engrais et l’érosion de la couche arable posent problème sur les sones en pente.
L’image ci-dessus montre la manière dont nous avons élaboré la carte de potentiel en combinant des données biophysiques géographiquement explicites et des informations agronomiques à une résolution de 1 km par 1km (rectangles bleus = données spatiales, rectangles verts = informations aspatiales et procédure de calcul)
Photo : Terres montagneuses de l’est de la RDC (Bottrill/Moabi) Nous estimons que le palmier à huile pourrait potentiellement pousser sur les trois quarts du territoire de la RDC. Toutefois, seuls 30 % de cette zone est vraiment favorable. Les précipitations créent les conditions les plus favorables le long du fleuve Congo dans la province de l’Équateur et la province Orientale au nord-est. Le sud du pays n’est pas adapté à cette culture du fait d’une saison sèche plus longue et de températures plus basses pendant certains mois, alors que la partie est du pays est exclue du fait des montagnes.
Les changements des configurations des précipitations lorsque l’on se déplace vers le nord ou vers les épaisses couches de sable du sud-ouest et du centre expliquent en partie le plus faible niveau d’adaptation. <p/>
Photo : Plantation de palmiers à huile, Cameroun (Bottrill/Moabi) En tout, 50 % de la zone favorable se situe dans la forêt tropicale, y compris la zone hautement favorable. Une grande partie de cette zone couvre également de grands blocs de forêt intacte qui abritent une riche biodiversité et de nombreux groupes autochtones. Des zones potentiellement favorables se trouvent également sur des terres qui sont actuellement cultivées. La RDC est au deuxième rang derrière le Brésil en termes de total de terres potentielles pour le palmier à huile mais, du fait de précipitations moindres et moins régulières, la part des zones hautement favorables est moindre par rapport aux pays d’Asie du sud-est et du bassin de l’Amazone.
Photo : Okapi en captivité (Miller/http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Okapia_johnstoni) Au-delà du potentiel biophysique, beaucoup d’autres facteurs rentrent en compte pour déterminer l’ampleur de la menace du développement des plantations de palmiers à huile sur les forêts naturelles de la RDC. Les mesures de conservation, telles qu’un système de zones protégées peuvent stopper la conversion de zones riches en biodiversité mais cela exige une gestion et une application des règles forte au niveau des parcs. Les réserves telles que la Réserve de faune à okapis, le Domaine de chasse de Rubi-Télé et la Réserve de biosphère de Yangambi se trouvent toutes dans des zones de niveau de potentiel élevé et pourraient être en danger face à l’expansion des plantations d’huile de palme.
Dans certains cas, la présence de sociétés d’exploitation forestière peut encourager davantage l’expansion de l’huile de palme. La conversion d’une forêt primaire en plantations de palmiers à huile peut être financée par les bénéfices immédiats provenant de la vente du bois d’œuvre. En outre, il existe actuellement environ 38 concessions forestières dans la zone de niveau d’adaptation élevé.
Au moins deux projets REDD+ se trouvent également dans les zones les plus favorables et il n’y a actuellement pas de réglementation pour éviter l’expansion des palmiers dans ces zones. Isangi et Jadora sont également bordés par des plantations d’huile de palme abandonnées que la RDC projette de relancer.
L’expansion de l’huile de palme sera également déterminée par l’accessibilité aux usines de raffinerie et aux marchés, point clé pour la rentabilité des plantations de palmiers à huile. La disponibilité de la main d’œuvre, la productivité et le coût poseront également des contraintes à l’expansion dans le bassin du Congo et l’environnement institutionnel de la RDC, qui se caractérise par des niveaux de corruption élevés et un système judiciaire faible, pourrait rendre les investissements risqués. Finalement, l’expansion vers les zones reculées du pays pourrait également être freinée par de mauvaises infrastructures de transport. En 2005, la RDC ne disposait que de 2 000 km, environ, de route goudronnée dans le pays tout entier. Pour mettre ce chiffre en perspective, l’Autriche a 100 fois plus de routes goudronnées que la RDC mais sa superficie est équivalente à 4 % de celle de la RDC. Pour davantage de renseignements :http://rdc.moabi.org/will-drc-palm-oil-plantations-cause-forest-loss/en
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