Ce rapport présente les activités de la 2ème édition du Festival International des Peuples Autochtones organisé par la Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones «DGPA», et soutenue par Rainforest Foundation Norway « RFN », qui s’est tenu à Kinshasa du 27 au 29 mars 2015 et qui était placé sous le Haut patronage du Président de la République. Ont participé à ce Festival les leaders des peuples autochtones de la RDC ainsi que les représentants des peuples autochtones vivant dans d’autres Régions, notamment les autochtones d’Afrique Centrale, d’Afrique de l’est, de l’Europe Scandinave, de l’Amazonie et de l’Asie du Sud- Est, le Collectif des Parlementaires, les Représentants des Ministères de l’Environnement et du Développement Durable, de la Culture et des Arts, des Affaires foncières et de l’Enseignement Primaire et secondaire, les experts internationaux et nationaux de la question autochtone, les décideurs politiques, les experts universitaires et des institutions publiques, les représentants de la société civile nationale et internationale.
Les travaux des Panels ont été facilités par des modérateurs issus des organisations de la société civile nationale et internationale, appuyés par un service d’interprétariat maitrisant trois langues internationales (Français, Anglais, Portugais) et les quatre langues nationales de la RDC (Swahili, Lingala, Tshiluba et Kikongo), tandis que le Secrétariat technique pendant les “Conférences-Débats” a été tenu par les experts du CERDAS et les membres de la Coordination Nationale de la DGPA.
Les objectifs poursuivis consistaient à créer un cadre de dialogue et de partage d’expériences entre panélistes et participants, en vue de plaider la cause autochtone pygmée auprès des autorités de la RDC et aussi en vue de faire émerger une prise de conscience collective des peuples autochtones pour impulser leur autonomie et leur développement endogène.
Les résultats attendus sont les suivants :
1) La Déclaration du FIPA est élaborée et approuvée.
2) Les présentations interactives sont assurées et favorisent l’apprentissage et le partage d’expériences.
3) Le voyage d’échanges d’expériences est assuré au milieu de la forêt équatoriale congolaise entre les autochtones de l’Amazonie, ceux de la Norvège et les autochtones pygmées de la RDC.
III.2. Synthèse des conférences - débats
Pendant trois jours durant, six différents panels ont pris place pour échanger sur différents thèmes concernant les peuples autochtones, leur identité, leurs savoir-faire et leur mode de vie.
III.2.1. Cadrage de la question autochtone.
Ce premier panel était animé par Jannie LASIMBANG (présidente du Réseau National des Peuples Autochtones de Malaisie (JOAS)), Albert BARUME (Membre du Groupe de Travail de la Commission Africaine sur les Populations/Communautés Autochtones), KANETO MWENDANABO (Représentant des autochtones pygmées du Parc National de Kahuzi Biega (PNKB)), Diel MUCHIRE (PIDP) et Régine MBOYO (SPFA/Mbandaka). Les échanges ont été modérés par le Professeur Honorable Bruno LAPIKA DIMOMFU.
Le panel a fourni quelques éléments de réponse aux questions suivantes :
- Que signifie le concept « autochtone » ?
- Quelle a été son évolution ?
- Quelle est l’identité des autochtones ou peuples des forêts ?
- Qui sont les populations autochtones pygmées en RDC ?
II.2.2. La législation autochtone à travers le monde
Ce panel international a connu les contributions d’Albert BARUME (CADHP), Paulo JUNQUEIRA (Brésil), Monica KRISTIANI NDOEN (Indonésie), Jérôme SITAMON (RCA) et Joseph ITONGWA (RDC) sous la modération de Kevin SASIA.
II.2.3. Les changements positifs liés à la reconnaissance des droits des peuples autochtones
Ce troisième panel était animé par les panélistes suivants : Yakagi KUÏKURO MEHINAKU (Autochtone Xingu - Brésil), Karoline TROLLVIK (Directrice du Festival Riddu-Riddu - Norvège), Monica KRISTIANI NDOEN (Indonésie), Charles RUTTO et John SIRONGA (Kenya), Adam Ole MWARABU et Samwel NANGIRIA TARESERO (Tanzanie), ainsi que Samuel NNAH NDOBE (Cameroun). Ce groupe thématique a été modéré par Patrick KIPALU (FPP).
II.2.4. Les défis rencontrés par les autochtones en RDC
Ont pris part à ce panel, KAPUPU DIWA (LINAPYCO), Stéphane BANZA (APRONAPAKAT), Adrien SINAFASI (DIPY), Dorothée LISENGA (REPALEF), Joséphine M’CIBALINDA (représentante autochtone du PNKB), Leta ZEPHYRIN (expert MEDD) sous la modération d’Alphonse MUHINDO (CREF).
II.2.5 La culture des peuples autochtones Pygmées
Ce panel était animé par Joseph BOBIA (RRN), BUTELEZI (PREPPYG), RIGOBERT (CEDEN), Floris BOTAMBA (WWF) et modéré par Alphonse MUHINDO (Réseau-CREF).
C’est la citation « Un peuple sans culture est un peuple sans avenir» qui a posé les bases de ce panel.
II.2.6. Le droit à la terre des Peuples Autochtones Pygmées
Avant la tenue du 6ème panel, Patrick SAIDI (DGPA) a lu le message de son Excellence Monsieur le Ministre aux Affaires Foncières envoyé depuis les Etats Unis où il est en mission affirmant son engagement politique à régler les questions d’accès à la terre par les peuples autochtones. Car « MABELE EZA NA NKOLO NA YANGO », la terre a ses propriétaires.
Le panel était composé du représentant du Ministère des Affaires Foncières, de Michel BOKE (MEDD), de Patrick KIPALU (FPP), de Joseph ITONGWA (REPAFEF), de Samuel NNAH NDOBE (Cameroun) et de Kaneto MWENDANABO (Représentant autochtone du PNKB). Le professeur Félicien KABAMBA (CODELT) faisait la modération.
Ce principe est contenu dans la proposition de loi qui détermine les principes fondamentaux relatifs à la protection des droits des Peuples Autochtones Pygmées en République Démocratique du Congo et l’Etat Congolais, à travers l’Assemblée Nationale, doit voter et entériner ce texte pour que les injustices passées ne soient pas l’apanage de demain.
Les participants avaient suivi avec beaucoup d’intérêts le power point présenté par Barthélémy BOIKA sur «la cartographie des droits de la RDC », établie par la société civile depuis 2005, sous la modération de Théophile GATA.
S’en est suivi une présentation de Jean Marie BANTU sur la cartographie à 3 dimensions. Ladite présentation était axée sur le cas des peuples autochtones pygmées expulsés du Parc National de Kahuzi Biega. Ce travail de la cartographie participative en 3D visait principalement à produire une carte visualisant les espaces (collines) où vivaient les peuples autochtones requérants avant leur expulsion de l’endroit devenu ensuite Parc National de Kahuzi Biega. Subsidiairement, il s’agissait entre autres de faire une identification claire, par les peuples autochtones pygmées eux-mêmes, des espaces qu’ils occupaient dans le PNKB avant leur expulsion et sur lesquels ces peuples autochtones exerçaient leurs droits à la terre et aux ressources naturelles.
Il s’agissait aussi de mettre en place un outil efficace qui servirait dans le plaidoyer à tous les niveaux visant les droits des peuples autochtones à la terre et aux ressources naturelles.
II. CEREMONIE DE CLOTURE
Elle a connu deux temps forts : la lecture et l’approbation des leçons apprises et des recommandations, ainsi que le discours de clôture du festival.
III.1. Leçons apprises et recommandations du Festival International des Peuples Autochtones
Le Professeur LAPIKA, Député National, a présenté les leçons apprises et les recommandations qui ont été approuvées par les participants du Festival. En voici le libellé in extenso.
III.1.1. Les leçons apprises du Festival
1ère leçon : Le concept des peuples autochtones n’est plus à définir comme ce peuple primitif dont les stéréotypes négatifs d’inspiration ethnologique sont persistants jusqu’aujourd’hui, mais plutôt comme un peuple détenteur des savoirs – faire et connaissances endogènes précieux. C’est aussi un peuple vulnérable parce qu’il est victime des violations des droits humains et de la négation de leur dignité. D’où la nécessité d’élaborer une loi spécifique aux en faveur des peuples autochtones pygmées conformément à l’article 123 alinéa 16 de la Constitution de la République Démocratique du Congo (RDC).
2ième leçon : L’arsenal juridique international notamment la Convention n°169 de l’OIT, la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones, la Convention sur les Droits de l’Enfant, la Convention sur la Discrimination Raciale, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ont permis des avancées réelles au niveau des Etats en terme de protection des peuples autochtones et la mise en œuvre de certains programmes de développement.
3ième leçon : En rapport avec l’application des instruments juridiques internationaux, certains pays africains rencontrent certains défis sur le terrain notamment le conflit de compétences entre le Ministère en charge des questions autochtones et d’autres institutions publiques, la lutte de positionnement des ONGS et l’absence des ressources financières.
4ième leçon: Le mouvement de revendication des droits résultant des pressions extérieures exercées sur les peuples autochtones, leur culture et leur identité est indissociable de leur accès à cette terre et aux ressources comme cela a été remarqué au Brésil. Les consultations des Indiens sur la biodiversité appuyées par le consentement libre, informé et préalable (CLIP) ont débouché sur les décisions consensuelles pour tout projet de développement qui impacte leurs territoires et leurs modes de vie.
5ième leçon: Des avancées significatives ont été enregistrées dans la localisation des peuples autochtones pygmées de la RDC ainsi que dans leur dénombrement. Cependant, très peu de recherches - actions sur les peuples autochtones sont menées sur les différents aspects de leur vie.
6ième leçon: Plusieurs défis persistent dans la vie sociale, économique et culturelle des peuples autochtones en République Démocratique du Congo.
Il s’agit de :
La marginalisation et la discrimination des peuples autochtones liées aux pesanteurs de la tradition et aux stéréotypes négatifs ;
Des défis liés à l’accès à la terre et aux ressources naturelles ;
L’insuffisance des mécanismes d’incitation des peuples autochtones dans les domaines de la scolarisation, de la santé et du bien - être économique ;
L’insuffisance des mécanismes d’incitation à l’autonomisation de la femme autochtone pygmée ;
La non reconnaissance des droits fonciers des peuples autochtones et le non respect des droits à la propriété intellectuelle à leur égard ;
Le déni des droits et le dépérissement de la culture des peuples autochtones pygmées et de leurs langues ;
L’insuffisance des mécanismes de mise en œuvre de « Country Assistance Strategy ».
7ième leçon: A l’heure qu’il est, quelques pays à travers le monde, ont déjà reconnus aux peuples autochtones leurs droits. Il s’agit des pays comme la Norvège, la RCA, le Brésil, le Congo Brazza…
8ième leçon : Les rapports entre les peuples autochtones et le secteur public en République Démocratique du Congo ont connu une évolution positive à travers leurs réseaux nationaux. On peut relever à ce sujet l’implication des autochtones par l’entremise de leurs représentants venus de trois provinces forestières dans le processus de conversion des anciens titres forestiers et la nomination des points focaux des peuples autochtones aux Ministères de l’Environnement et du développement Durable, celui des Affaires étrangères, de la Justice et des Affaires sociales.
La réforme foncière et les différentes réformes de la gestion forestière engagée mettent les peuples autochtones au cœur de la problématique de leurs rapports avec la terre, la forêt et le sous - sol.
III.1.2. Les recommandations du Festival
1) Que le parlement congolais accélère l’examen et l’adoption de la proposition de loi portant principes fondamentaux relatifs aux droits des peuples autochtones pygmées en RDC ;
2) Que les peuples autochtones et la société civile se mobilisent pour appuyer les efforts du Collectif de Parlementaires pour l’adoption et la vulgarisation de cette loi ainsi que pour l’élaboration des textes réglementaires ;
3) Que la RDC ratifie la Convention n° 169 de l’OIT pour faire bénéficier aux PA des avantages liés à cette Convention ;
4) En tout urgence, que l’Etat à travers le Ministère des Affaires Foncières prenne en compte les droits fonciers coutumiers des peuples autochtones dans la réforme foncière en cours et qu’il implique ces derniers dans ladite réforme ;
5) Qu’il soit créé en RDC une plate forme multi-acteurs en vue de débattre des questions liées à la promotion des droits des peuples autochtones et à leur autonomisation ;
6) Que les peuples autochtones soient impérativement consultés à travers l’approche du consentement libre, informé et préalable (CLIP) pour tout projet de développement qui affecte leurs territoires et que ces rapports soient diffusés dans tous les réseaux de communication ;
7) Que soit établi et renforcé un partenariat fructueux entre les organisations de la société civile nationale et internationale des peuples autochtones avec l’Institut National de Statistiques pour un recensement exhaustif des peuples autochtones en République Démocratique du Congo ;
8) Que le Gouvernement définisse dans les meilleurs délais les lignes d’orientation des engagements auxquels il a souscrits sur l’examen périodique des recommandations relatives à la sécurité foncière, à la scolarisation, aux droits des peuples autochtones en rapport avec les aires protégées et les ressources naturelles ainsi que la reconnaissance légale des peuples autochtones ;
9) Que l’Etat à travers l’expertise nationale et celle des centres de recherche encourage les recherches – actions et les recherches - développements sur la diversité culturelle et sociale des peuples autochtones ;
10) Que l’Etat soutienne la tenue d’un forum pour la définition des orientations des engagements en faveur des peuples autochtones et un Forum économique pour le développement des peuples autochtones en RDC ;
11) Que le Festival International des Peuples Autochtones (FIPA) soit institutionnalisé en RDC pour servir de lieu privilégié destiné à renforcer le plaidoyer, l’échange d’expériences multi-acteurs et de suivi et évaluation des politiques nationales et internationales sur la question autochtone ;
12) Que soient intensifiés les échanges entre les peuples autochtones de la RDC et ceux d’autres pays du monde afin de capitaliser les avancées déjà enregistrées ailleurs en matière de protection et de promotion des droits des Peuples Autochtones ;
13) Que le Décret sur les forêts communautaires locales et ses mesures d’application soient vulgarisés et que les organisations de la société civile nationale et internationale en fassent le suivi et l’évaluation.
A l’issue de tout ce qui précède, l’honneur était revenu à Son Excellence Monsieur Bienvenue LIYOTA, Ministre de l’Environnement et du Développement Durable de prononcer le discours de clôture officiel de ce festival.
Dans son propos, il a à nouveau remercié le Président de la République sous le haut patronage duquel était place ce festival et le Premier Ministre, qui accordent tous deux une attention particulière aux droits, à la défense et à la recherche de solutions aux questions des peuples autochtones Pygmées.
Ensuite, il a affirmé que le festival a été une vitrine des connaissances artistiques et culturelles précieuses dont la survie est en enjeu de taille pour la société civile dans la mesure où la perte de la diversité est une menace qui pèse sur la culture pygmée. Il a donc rappelé à la conscience nationale l’obligation d’impliquer les peuples autochtones dans les gestions de l’exploitation forestière, de l’exploitation minière et l’exploitation pétrolière.
Enfin, il a salué les efforts de la Dynamique des Peuples Autochtones Pygmées qui lutte avec les autres organisations de la société civile pour les droits civils et la promotion de la culture des peuples autochtones pygmées et il a salué aussi le Parlement dont le bureau a inscrit à l’examen de la session en cours la proposition de loi portant principes fondamentaux relatifs aux droits des peuples autochtones pygmées. Il a ensuite clôturé les festivités marquant la deuxième édition du Festival International de Kinshasa.
En tant que véritable carrefour culturel et opportunité pour l’autodétermination des peuples autochtones dans la sauvegarde de leurs cultures et l’affirmation de leur identité, cette seconde édition du festival a été placée sous le signe de la diversité culturelle et des échanges d’expériences entre peuples autochtones venus des quatre coins du Monde.
La conquête de droits et de la liberté des peuples autochtones s’est jusqu’ici engagée sur les fronts sociaux avec des microprojets, mais elle se poursuivra à l’avenir sur le front politique avec l’adoption et la promulgation de la loi portant principes fondamentaux relatifs aux droits des peuples autochtones pygmées.
Les différentes interventions des panélistes ont mis en évidence les drames politiques, sociaux, culturels et économiques des peuples autochtones tant au niveau de la RDC que dans le monde entier, mais aussi les avancées réelles sur le terrain de la garantie de leurs droits inaliénables sur leurs territoires, la réaffirmation solennelle de leur dignité et du respect de l’égalité devant les charges et les services publics.
En conclusion, à l’issue de trois jours des festivités, confé¬rences-débats, dialogues, échanges culturels et scientifiques, plaidoyer politique, expositions, visite de terrain, les peuples autochtones pygmées de la République Démocratique du Congo résument leur demande à l’endroit des autorités de la République en ces termes : «Reconnaissez et sécurisez nos droits à la terre et aux ressources, et ainsi nos droits en tant qu’êtres humains constitueront un meilleur socle pour voir cet idéal se réaliser. »
Pour plus d’info : dgpardc@yahoo.fr, www.dgpa.cd
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